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Santé Mentale

La vente des maladies ou disease mongering

Dernière modification : 24 décembre 2010

Ce terme anglais désigne une pratique de marketing de l’industrie pharmaceutique qui consiste à faire la promotion d’une « maladie » afin de vendre un médicament.

Nous assistons depuis quelques années à un emballement préoccupant de ce processus. La surconsommation médicamenteuse, induite par ce phénomène de disease mongering, est, de par ses effets iatrogènes, dommageables pour la Santé Publique et est la cause d’un gaspillage financier important tant pour le patient que pour les finances publiques.

Comment fait-t-on le commerce d’une maladie ?

Le principe est de repousser les frontières du pathologique pour élargir la base de consommateur potentiel d’un produit. Soit en transformant un trouble mineur en maladie, soit en élargissant les critères d’une maladie existante, soit encore en traitant des facteurs de risques sans qu’en définitive le pronostic du patient ne soit amélioré.

Les firmes pharmaceutiques lancent des campagnes d’ « informations » sur des « maladies » qui n’ont pas pour but de faire de la prévention ou de la promotion de la santé mais bien de convaincre le public que ce dont il souffre porte un nom et ensuite de commercialiser la molécule qui est supposée corriger le trouble. Dès lors quand le médicament est mis sur le marché, les prescripteurs comme les patients sont déjà en attente de cette « nouvelle solution miracle ».

Les exemples sont nombreux :

Par définition, la frontière est floue entre la pathologie vraie et les vicissitudes de la vie quotidienne.

Différents cas de figure sont susceptibles d’ouvrir un marché et de créer une demande pour un médicament :

1) des problèmes communs transformés maladies : la médicalisation de la ménopause, le syndrome prémenstruel, le trouble du désir sexuel hypo actif chez la femme (qui toucherait 43% des femmes), le côlon irritable ou le syndrome des jambes sans repos…

2) la confusion entre facteurs de risque et maladies : l’hypercholestérolémie ou l’ostéoporose.

3) la standardisation des comportements humains qui détermine une norme et donc des déviances, le DSMIV et bientôt le V dans le domaine de la Santé Mentale constitue une mine inépuisable d’entités nosologiques pour les vendeurs de maladie. Les troubles à succès actuellement sont : la dépression sous toutes ses formes, la phobie sociale, le trouble explosif intermittent, les déficits de l’attention et hyperactivité, ainsi que les troubles bipolaires. Ces deux derniers ouvrant de façon spectaculaire et inquiétante la porte au marché des enfants, relativement préservé jusqu’à présent.

Comment reconnaître le disease mongering ?

En général, il s’agit d’un trouble à haute prévalence facilement reconnaissable par le public et qui touche différents aspects de la vie (affective, professionnelle…) avec des symptômes qui peuvent être de très discrets, subcliniques.

Le discours typiques est que les patients atteints méconnaissent en général leur pathologie dans un premier temps, ce qui les conduit à être sous-estimés, sous diagnostiqués et sous-traités.

A cela s’ajoute tout le cadre de recherches entourant la pathologie classique dans le discours de la médecine scientifique moderne.

L’implication d’une équipe universitaire de préférence anglo-saxonne, des articles dans des revues prestigieuses, des recherches génétiques, une hypothèse évolutionniste darwinienne, l’étude d’un modèle animal, des recherches en imagerie médicale, une hypothèse à base de neuroscience, un marqueur biologique, une échelle et un score diagnostic sont des attributs souhaitables pour lancer une nouvelle pathologie. Pour couronner le tout, une recherche « historique » démontrera que le problème existait déjà dans l’Antiquité et chez des personnages illustres de l’histoire. Il vient d’être mis à jour, mais aurait, en fait, toujours été là. Il faut bien souvent être spécialiste dans le domaine de la maladie concernée pour pouvoir contester la validité de cet attirail pseudo-scientifique.

La publicité est renforcée par la création d’une association de patients, d’un site Web destinés à l’information du public. Tout ceci se conclut par la mise sur le marché d’un médicament très coûteux pour la Sécurité Sociale qui devrait dans le meilleur des cas, pour consolider le marché, être pris à vie.

En conclusion :

Le disease mongering est un problème sérieux puisqu’il détourne les ressources financières utiles pour des pathologies plus sévères, pour des thérapies non médicamenteuses et pour la santé des populations défavorisées. Les médicaments dont la promotion est ainsi faite ne sont évidemment pas dénués d’effets secondaires. La très large commercialisation de blockbusters tel qu’elle se pratique actuellement sans discernement risque en définitive de détériorer l’état général de la santé de la population.

Il est indispensable d’étudier, de surveiller et de faire connaître le développement de ce phénomène à l’avenir.

Monique Debauche

(1) http://www.diseasemongering.org

« Dans les pays développés, l’obsession de la santé parfaite est devenue un facteur pathogène prédominant. Le système médical, dans un monde imprégné de l’idéal instrumental de la science, crée sans cesse de nouveaux besoins de soins. Mais plus grande est l’offre de santé, plus les gens répondent qu’ils ont des problèmes, des besoins, des maladies. Chacun exige que le progrès mette fin aux souffrances du corps, maintienne le plus longtemps possible la fraîcheur de la jeunesse, et prolonge la vie à l’infini. Ni vieillesse, ni douleur, ni mort. Oubliant ainsi qu’un tel dégoût de l’art de souffrir est la négation même de la condition humaine » I.Illich, 1999

http://www.monde-diplomatique.fr/1999/03/ILLICH/11802

Ce petit film australien illustre le concept :

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